samedi 21 décembre 2024

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les chaussettes

par Morag Traynor, le 01/05/2001.

Ndt : les références des pages ne sont pas les chapitres mais les numéros de page de l’édition de poche française Folio Junior.

Les chaussettes sont intimement liées à un thème majeur, si ce n’est le thème majeur chez Harry Potter, en l’occurence, les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être. La chaussette est un élément humble, voire comique, nécessaire mais souvent peu attractif et l’archétype du cadeau de Noêl assommant. Tout en utilisant le potentiel comique de cet élément, Rowling y ajoute beaucoup plus de sens.

Lors de notre première rencontre avec Harry (si l’on exclut son arrivée au 4, Privet Drive), il “cherche ses chaussettes” (ES12) et doit chasser l’araignée qui “s’était installée dans l’une d’elles”, ce qui illustre la négligence et l’indifférence des Dursley. Comparez cela avec Mrs Weasley qui “s’inquiète de l’état de ses chaussettes” (CS27) et lui “lave ses chaussettes” (CF101). Au Terrier règne une atmosphère familiale : “Mrs Weasley surgit, de très mauvaise humeur, cherchant des chaussettes et des plumes. Tout le monde se cognait dans l’escalier, à moitié habillé, un morceau de toast à la main” (CS42). Il est vrai qu’à ce moment Mrs Weasley est de mauvaise humeur, mais je suis sûre que Harry adore ça – voilà ce qui lui a manqué durant toutes ces années. Sans avoir beaucoup de valeur, et pourtant une nécessité quotidienne – une paire de chaussttes propres est une formidable métaphore de l’amour familial.

Un indice précoce (ES142) laisse supposer que les chaussettes peuvent être beaucoup plus importantes, lorsque Dumbledore révèle à Harry qu’il se voit “avec une bonne paire de chaussettes de laine à la main” dans le Miroir du Riséd, qui “ne nous montre rien d’autre que le désir le plus profond, le plus cher, que nous ayons au fond de notre coeur.” Il ajoute également cette remarque magnifique que l’on “manque toujours de chaussettes. Noêl vient de passer et je n’en ai même pas eu une seule paire. Les gens s’obstinent à m’offrir des livres.”

Lorsque Dobby entre en scène, les chaussettes deviennent extrêmement importantes : “Dobby ne peut être libéré que si ses maîtres lui offrent des vêtements. Aussi, la famille fait bien attention de ne rien donner à Dobby, pas même une chaussette, Monsieur, car alors, il serait libre de quitter à tout jamais la maison.” Lorsque Harry trompe Lucius Malfoy pour faire exactement cela, nous voyons que Dobby “tenait à la main la chaussette répugnante de Harry et la contemplait comme s’il s’agissait d’un trésor inestimable” (CS 208). Et, bien sûr, ça l’est !

A partir de ce moment-là , Dobby est une sorte d’aimant à chaussettes ; des paires de chaussettes non-souhaitées lui sont désormais offertes et il les considère comme un trésor. La “Chaussette-Liberté” passe de Harry à Dobby via Malefoy. D’autres paires de chaussettes vont faire écho à ce cheminement. Les vieilles chaussettes d’Oncle Vernon ont une carrière particulièrement intéressante en étant “le pire cadeau d’anniversaire (avant l’arrivée de Tante Marge) que les Dursley lui avaient jamais fait” (PA 12). Décidément, les Dursleys sont inspirés pour offrir de mauvaix cadeaux – pas seulement des chaussettes, mais des chaussettes de seconde-main (enfin, pied !). Harry déclare qu’il “ne les porte jamais s’il peut s’en passer” (Ndt : passage supprimé dans certains éditions françaises) (PA 149), ce qui résume bien son attitude envers tout ce que les Dursley lui procurent, quoi que ce soit. Tout ce qu’il espère d’eux est la liberté – est-ce que Dobby va libérer d’une manière ou d’une autre Harry, comme Harry lui a rendu la liberté lui-même ?… Harry utilise aussi ses chaussettes pour envelopper le Scrutoscope.

Le jour de Noêl, Harry donne les chaussettes de Vernon (désormais connues pour être “laides” “couleur moutarde” et “d’une drôle de forme”) à Dobby dans l’une des meilleurs scènes de La Coupe de Feu, remplie de chaussettes (CF 282). Dans la même scène, Ron offre à Dobby une paire de chaussettes violettes qu’il a reçue de sa mère (au fait, ne serait-elle pas daltonnienne ?) et Dobby est ému aux larmes :

“- Dobby ignorait que [Ron] était un esprit aussi généreux, aussi noble, aussi magnanime…- Ce ne sont que des chaussettes, dit Ron, dont les oreilles avaient rosi…”

Donc maintenant, nous avons les chaussettes Molly-Ron-Dobby et les chaussettes Vernon-Harry-Dobby qui étaient auparavant dénigrées mais désormais chéries, dans une scène qui déborde d’affection et de gaieté. Le pire cadeau de Noêl est devenu le plus beau de tous. Il est finalement possible que Dumbledore se voie vraiment tenir une paire de chaussettes de laine dans le Miroir du Riséd. Après tout, il ne ment jamais.

Dobby offre ensuite à Harry une paire de chaussettes dépareillées : l’une est rouge avec un dessin de balais, l’autre est verte avec des Vifs d’or ; il les a tricotées lui-même en achetant la laine sur ses gages qu’il était depuis sa libération en droit de recevoir. Comparez donc le cadeau personnalisé et longuement réfléchi de Dobby avec l’idée de dernière minute de Harry et Ron. Dobby connaît des choses qu’ils ont encore à apprendre. Combien pariez-vous que ces chaussettes vont réapparaître et qu’elles auront une puissante magie dans leur texture ? Ce sont peut-être celles que Dumbledore a vu dans le miroir ?

Pour finir sur une note de, hum, “pied” de page, Harry décide d’acheter pour Dobby “une paire de chaussettes pour chaque jour de l’année” (CF350) en remerciement de son aide dans le Tournoi des Trois Sorciers ; et, en effet, il lui achètera plusieurs paires de chaussettes, aidé dans son choix par Ron (CF358) : “une paire ornée d’étoiles lumineuses or et argent, et d’autres qui se mettaient à hurler lorsqu’elles devenaient trop odorantes.” L’humble chaussette mérite désormais le traitement réservé auparavant aux livres dans la narration.

Alors, que symbolisent les chaussettes ? L’amour ? La liberté ? La rédemption ? En tout cas, vous pouvez être sûrs qu’elles ne sont pas ce qu’elles semblent être !

Ndt : voir aussi l’intéressant essai sur la symbolique des chaussettes sur La Pensine.